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La préservation des manuscrits juifs

Par Gérard XAVIER

    Un article du Times of Israël, daté du 24 août 2023, nous apprend que la Bibliothèque du Congrès américain vient de rendre accessible, à Washington, 230 manuscrits en hébreu, judéo-arabe, judéo-persan et yiddish, couvrant la période du Xe au XXe siècles. Ce projet a vu le jour grâce à un financement de la Fondation David Berg.



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Documents de la Bibliothèque du Congrès

    Cette fondation perpétue la volonté de l’avocat et philanthrope David Berg (1904-1999) de garder en mémoire l’histoire de l’immigration aux Etats-Unis. La plupart des documents présentés sont issus des collections d’Ephraïm Deinard (1846-1930), bibliographe, libraire, essayiste, biographe et historien. Ces collections ont pu trouver leur place grâce à Jacob Hirsh Schiff (1847-1920), banquier et philanthrope qui a créé la section hébraique de la Bibliothèque du Congrès. On y admirera des Haggadah ou des commentaires rabbiniques de la Kabbale, et de très nombreux autres écrits comme, par exemple, des poèmes ou des traités de médecine populaire.

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De gauche à droite : David Berg, Ephraïm Deinard et Jacob Hirsh Schiff

    La Bibliothèque du Congrès n’est évidemment pas la seule à regrouper ce genre de documents. Le fonds de la Bibliothèque nationale de France (BnF) abrite une collection unique de près de 1.500 manuscrits datant du Moyen Âge à l’époque moderne et provenant d’Europe, d’Afrique du Nord et du Moyen-Orient. Il contient des ouvrages religieux (codex et commentaires bibliques, textes talmudiques et rabbiniques, traités théologiques et livres de prières), des ouvrages historiques, philosophiques, scientifiques, médicaux, magiques et mystiques, mais aussi des documents de la vie quotidienne. Le 30 septembre 2021, l’Institut de recherche et d’histoire des textes (IRHT) du CNRS a organisé un colloque international marquant le lancement du projet de sa section hébraïque en partenariat avec la BnF : « BiNaH : Bibliothèque Nationale ‘Hebraica’. Manuscrits hébreux à Paris ». Le but est de publier le premier catalogue complet et mis à jour des manuscrits hébreux de la BnF, d’une part, et d’écrire l’histoire du fonds, des acquisitions progressives et des itinéraires intellectuels dont il témoigne, d’autre part.

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Divers manuscrits de la BnF

    Dans un très intéressant article : « La reconstruction de la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, 1945-1955 » paru en 2001 dans le volume 34 des Archives Juives, Jean-Claude Kuperminc nous parle du haut degré de réussite et de notoriété atteint par cette bibliothèque depuis 1860. Dès avant la Première Guerre mondiale, enrichie de collections remarquables comme celles de Salomon Munk, du grand rabbin Zadoc Kahn ou des manuscrits de Luzzatto, elle est considérée comme une ressource incontournable pour les études juives et bénéficie d’une audience internationale. A l’époque, elle est dirigée par le rabbin Abraham Back, Bernard Chapira et Jacob Gordin. En 1937, les collections, jusqu’alors conservées dans les locaux de l’Ecole normale israélite orientale à Auteuil, après avoir été abritées rue de Trévise, sont transférées au siège de l’AIU, rue La Bruyère. Etonnamment, lorsque l’année suivante les autorités françaises invitent les bibliothèques publiques à mettre leurs collections à l’abri, il semble qu’aucune mesure n’ait été prise par l’Alliance pour sauvegarder son patrimoine. Dès leur entrée dans Paris, les Allemands investissent la bibliothèque et la pillent entièrement. Le groupe dirigé par Alfred Rosenberg enverra 550.000 volumes enfermés dans 567 caisses à l’Institut de recherche sur les questions juives à Francfort-sur-le-Main. Mais jusqu’en 1944, le bâtiment servira à entreposer des œuvres d’art et culturelles, fruit des rapines des nazis en attente d’être envoyées en Allemagne. Après la fin de la guerre, grâce à la « commission de récupération artistique » mise en place par le gouvernement français et à la tournée menée en Allemagne par le Grand Rabbin Maurice Liber au dépôt d’Offenbach organisé par l’armée américaine, L’Alliance récupère une grande partie de ce qui lui avait été volé. Principalement parce que ses livres étaient tous estampillés. Le redémarrage des activités est dû en grande partie à Edmond-Maurice Lévy, grand érudit du judaïsme français et conservateur de la bibliothèque du Conservatoire national des arts et métiers, qui a su mettre en place les bonnes personnes et définir les règles optimales de fonctionnement.

    La bibliothèque rouvre ses portes à des lecteurs du monde entier à partir de 1948 et renoue rapidement avec son habitude de prêter des pièces à des expositions. Elle participe aussi au microfilmage des manuscrits hébreux en faveur de la Bibliothèque nationale universitaire de Jérusalem. Et en 1955, elle accueille la conférence internationale présidant à la création de l’Association des bibliothèques de Judaïca et d’Hebraïca en Europe, dont elle est un membre très actif. Installée maintenant rue Michel Ange dans le 16e arrondissement de Paris, elle possède, entre autres, 150.000 volumes, 1.000 manuscrits, 15 incunables et un site consultable en ligne.

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De gauche à droite : Abraham Back, Jacob Gordin, Maurice Liber et Edmond-Maurice Lévy

    La Bibliothèque du Louvre, créée dès la fin du XVIIIe siècle, est la descendante de la somptueuse « librairie » mise en place en 1367 ou 1368 dans le même château par le roi Charles V. Maurice Liber nous en parle dans un article écrit en 1908 dans la Revue des études juives : « Les manuscrits hébreux de la Bibliothèque du Louvre », complément d’un ouvrage écrit par Léopold Delisle, administrateur général de la Bibliothèque Nationale jusqu’en 1905. Il nous apprend que les premiers livres hébraïques, transférés du Trésor des Chartes (les Archives nationales de l’époque), furent incorporés par Charles V dans sa librairie en 1372.

    Des manuscrits hébraïques ont été préservés dans des bibliothèques et des musées du monde entier, de l’Italie à la Russie, de la Suisse aux Etats-Unis, de la Grande-Bretagne à l’Amérique latine. Mais la plus grande collection se trouve aujourd’hui sur la banque de données de la Bibliothèque nationale d’Israël (Ktiv, inaugurée le 2 août 2017), qui rassemble plus de 85.000 documents inestimables du monde entier, allant des prières à la littérature en passant par des traités scientifiques et représentant 90% du patrimoine écrit juif mondial recensé. Le projet est issu de la volonté du Premier ministre David Ben Gourion qui, en 1950, avait créé The Institute of Microfilmed Hebrew Manuscripts afin de sauver la littérature juive. L’actuelle plateforme est née d’un partenariat avec la Friedberg Jewish Manuscript Society de Toronto, en coopération avec le Ministère israélien pour le Patrimoine et la ville de Jérusalem, étendu maintenant à la National Library of Israel, la Bibliothèque nationale de France et The British Library. Mais Ktiv est aussi un agrégateur de documents numérisés par les institutions patrimoniales du monde entier, parmi lesquelles : la Bibliothèque apostolique vaticane, la Bibliothèque publique de New York, la Bibliothèque nationale d’Autriche, la Bibliothèque universitaire de Leipzig, la Bibliothèque de l’Académie hongroise des sciences ou la collection de la famille William Gross. « A ma connaissance, il s’agit du plus important projet en la matière, et pas seulement pour les écrits juifs : c’est la première fois qu’une plateforme rassemble autant de manuscrits, conservés dans autant de lieux différents » s’est félicité Aviad Stollman, le directeur de la Bibliothèque nationale d’Israël.


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Sources :
Illustrations : internet

  • « La Bibliothèque du Congrès US numérise des centaines de documents juifs inédits », article du Times of Israël (24/08/2023)
  • « Les manuscrits hébreux de la BnF : Textes et contextes », programme du colloque international organisé en septembre 2021 par l’IRHT-CNRS
  • « La reconstruction de la bibliothèque de l’Alliance israélite universelle, 1945-1955 » article de Jean-Claude Kuperminc paru en 2001 dans le volume 34 des Archives Juives
  • « Les manuscrits hébreux de la Bibliothèque du Louvre », article de Maurice Liber paru en 1908 dans la Revue des études juives
  • « 45.000 manuscrits juifs numérisés du monde entier rassemblés », article d’Antoine Oury sur le site actuallite.com (03/08/2017)
  • « Avec le projet Ktiv, la Bibliothèque Nationale d’Israël numérise le patrimoine juif et le rend accessible à tous », article de Pauline Broquet pour le site club-innovation-culture.com (08/10/2017)