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L'association de la généalogie juive
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Extrait de GenAmi n° 12
par Micheline Gutmann
C'est un conseil à donner à tous ceux qui émettent des idées et des théories sur l'origine des noms sans aucune étude préliminaire. Et malheureusement, beaucoup de ces idées sont imprimées, donc a priori crédibles aux yeux de nombreux néophytes. On peut citer quelques exemples.
A - Pour le nom Hauser, il m'a été donné de voir beaucoup de lieux cités comme étant à l'origine du nom : Houssen, près de Colmar ou encore Husseren, dans la même région. Pour ceux qui habitaient à peu de km de là, mais de l'autre côté du Rhin, c'était Hausen. On a également vu la possibilité d'une occupation : Hausieren, qui signifie colporteur en allemand. Et aussi l'habitant de la maison, Haus ou Hus en dialecte suisse. Ce nom n'est pas typiquement juif, on le retrouve en effet très fréquent en Suisse du nord. Y-a-t-il une origine commune ? Il est trop tôt pour le dire, des études sont en cours. Mais ce serait vrai uniquement pour cette région. Le nom Hauser est également répandu du côté de l’Autriche.
Un autre cas curieux mais tout aussi impossible à prouver m'a été cité par une correspondante américaine : son nom est Gavsy, et elle a entendu dire que sa famille venant de Biélorussie était originaire d'Alsace. En russe, le H n'existe par et est remplacé par un G, de même le U est remplacé par un V, le R final a peut-être disparu. Donc, ce nom très rare pourrait être équivalent à Hauser. Et en hébreu Gavse signifie rêveur… On peut donc rêver, en attendant une preuve.
B - Récemment, à propos de l'étude d'une famille Dreyfus, j'ai lu un paragraphe sur l'origine du nom. En vrac étaient donnés
comme ayant une origine unique les noms Treves en Italie, Treyfusse, d'où Dreyfuss (et autres orthographes) en Alsace et Trier
ou Trêves en Allemagne. Où est la démonstration ?
Les familles Treves qui sont originaires d'Italie où leur nom se prononce Trevesse, savent pertinemment que le nom ne vient pas de
la ville de Trêves, mais d'une ville italienne de Vénétie, Trevise (comme la Fontaine). Joseph Treves de Marseille est décédé à Padoue
en 1343, il était peut-être né dans cette région où se trouve la ville de Trevise.
Par contre les Trévires étaient un peuple gaulois occupant la région de la basse Moselle, leur capitale est devenue Trêves, et il est
fort probable que beaucoup de Dreyfus doivent leur nom à cette région. Mais on a également vu des familles choisissant ce nom en
Alsace seulement en 1808.
C - Autre nom dont une origine assez peu sure est donnée : Bloch. Peut-être certains correspondent-ils à une déformation au cours du temps de Walsch qui voudrait dire Français en Europe de l'Est. Mais il nous a été donné de voir un passage direct de Bollach en Suisse à Bloch en Alsace. Il va sans dire que Bollach est sûrement Pollack avec l'habituelle confusion entre les P et les B dans les langues germaniques. Même cas pour les Plock venus de Pologne qui deviennent des Bloch en Lorraine.
D - En ce qui concerne le nom Picard, quelqu'un a écrit un jour dans un contrat de mariage une apposition, Picardie. Cette origine qui n'est pas crédible, en tous cas pour la majorité des Picard, Bigard, Pickert, Bigert d'Alsace. Là encore nous avons vu une fois le passage du prénom Buckhard, en nom Bicard qui est l'une des possibilités, mais elle n'est sûrement pas unique et l'on doit probablement chercher un rapprochement avec un nom biblique.
E- Un autre nom que je souhaite évoquer avec une suggestion, est le nom Javal. Cette famille, où tous sont issus d'un
certain Jacob de Seppois-le-Bas, prend en 1808 le nom de Schaval à Seppois-le-Bas et de Javal à Altkirch, différence due aux
accents locaux. C'est Javal qui restera. D'où vient ce nom ? Quel est celui qui a vraiment été choisi par la famille en 1808 ?
Un jour un correspondant sur Internet a entendu dire que sa famille Javal était originaire de Lituanie. Il nous a été impossible de
lui en faire dire davantage. Examinons cependant cette hypothèse.
A Seppois, comme ailleurs en Alsace, la population de cette région, dévastée par la guerre de trente ans, s'est reconstituée après
les traités de Westphalie de 1648. Elle a été assurée, aussi bien pour les Juifs et les non Juifs, par des peuples venus de l'est,
des familles qui ont peut-être auparavant résidé en Alsace, mais aussi par des Allemands ou des Suisses et par des personnes venues
de beaucoup plus à l'est, surtout parmi les ministres du culte. Schaval peut être la ville lithuanienne qui s'écrivait parfois Savel,
actuellement Siaulai.
F - Le nom du lieu d'origine a parfois été adopté un siècle après l'arrivée d'une famille dans un autre lieu. Cela peut être le cas du nom cité précédemment. Nous connaissons un exemple très précis, celui de la famille van Dantzig : une branche de cette famille est arrivée à Paris au 19ème siècle, venant de Gand en Belgique. Il nous a été possible de trouver qu'ils avaient choisi ce nom à Leyde aux Pays-Bas en 1811. A ce moment la Belgique, royaume ayant à sa tête un frère de Napoléon, avait adopté les lois françaises et en particulier le décret de Bayonne concernant la fixation des noms des Juifs de l'Empire. Les van Dantzig s'appelaient auparavant Michiel. Nous avons pu trouver qu'ils venaient d'Amsterdam où ils vivaient déjà en 1710. D'ailleurs, une branche van Dantzig existe toujours à Amsterdam où le nom a également été choisi en 1811. Notre cousin d'Amsterdam a trouvé un acte où l'on peut lire "Hijman Michiels, danziger…", ce qui prouve bien leur origine à Dantzig, aujourd'hui Gdansk.
G – La compilation - La méthode d'Alexandre Beider pour la Pologne et l'Empire russe, basée sur la compilation d'environ 500 000 noms pour chacun des deux Pays, est une méthode scientifique, très valable et intéressante pour ces pays, mais non applicable partout. L'étude est plus facile car dans ces régions où les noms n'ont été fixés qu'au cours du 19e siècle, presque jamais avant 1820, et donc il n'a pas fallu remonter trop loin dans le temps. Nous demandons de ne pas appliquer systématiquement les conclusions de Beider à des régions non comprises dans son étude, c'est à dire en Europe de l'Ouest. On pourrait arriver à des non-sens.
H - Conclusion - Comme on le voit, afin de connaître vraiment l'origine d'un nom, il faut souvent remonter dans le temps au-delà de la prise de nom obligatoire. Si, pour certains, cette prise de nom date de 1808, pour d'autres, elle est ancienne et le nom peut avoir varié à chaque changement de lieu de résidence d'une famille. A moins de descendre d'une lignée de rabbins connus, on est assez rapidement limité.